Conte de Zalgoume |
Une
femme avait deux garçons et une fille. La fille se nommait Zalgoume. Son
frère aîné partit à la fontaine faire boire le mulet. Arrivé
à la fontaine, le mulet refuse de boire; il a peur: il voit dans l'eau un
cheveu très long. Le garçon l'enlève et dit: -
Par Dieu, je vais le mesurer à toutes les filles. Celle à qui il va,
j'en fais ma femme! Je le jure même si c'était ma sœur, s'il lui va, je
l'épouse. Il
mesura le cheveu à toutes les filles, il ne leur allait pas. Quand il le
mesura aux cheveux de sa sœur, il lui allait. Il raconta l'affaire à sa
mère... Maintenant, j'ai juré, je ne changerai pas. (Autrefois le
serment avait de la valeur, ce n'était pas comme maintenant). Je l'épouse
sans faute! Sa mère lui répondit: Mon fils, ce sera une honte pour elle!
personne n'épouse sa sœur! -
Je te dis que j'ai juré, c'est fini. Il
achetèrent du blé et la mère dit à sa fille: - Nous avons acheté du
blé: nous allons marier ton frère. La jeune fille ne savait pas que c'était
elle la mariée. Elle blanchit entièrement la maison au plâtre du pays:
tout était bien propre. Elle
lava le blé, le passa tout au crible, bien soigneusement, et monta l'étendre
sur le toit de la maison. Une
corneille passa et cria: Aouk! aouk! Donne moi un peu pour mes enfants et
je te dirai! La
jeune fille lui dit: Mon amie, va-t-en! Qu'as-tu à me dire ainsi? La
corneille répliqua: Je te dis, donne moi un peu, je te parlerai. L'autre
lui donna quelques grains et l'oiseau lui dit: Eh bien! Le blé que tu es
en train d'étendre, c'est pour ta noce! c'est toi que ton frère épousera.
Elle ne l'a crut pas. Plus
tard on roula le couscous. C'est elle qui le roula entièrement. Elle
monta l'étendre sur le toit de la maison. La
corneille passa de nouveau en disant: Aouk! aouk! Donne moi un peu pour
mes enfants et je te dirai! -
Mon amie, je t'en prie, toujours tu accours vers moi! Va t'amuser toute
seule! -
Je te dis donne moi un peu, je te dirai. La
fille lui donna du couscous et l'oiseau répéta: Je te l'ai déjà dit:
ce couscous que tu as roulé est pour ton mariage avec ton frère. Elle
descendit immédiatement du toit et sortit. -
Où vas-tu? Lui dit sa mère. -
Ici seulement, je reviens! et il partit. Elle
se sauva de village en village... jusqu'à ce qu'elle trouve une dalle: il
fallait cent personnes pour la soulever et autant pour la poser. Elle
la soulève toute seule et pénétra sous cette dalle: l'intérieur était
une maison; elle y entra. Ses parents la cherchèrent longtemps et ne la
trouvèrent pas. Le
lendemain un berger partit faire paître ses chèvres. Il marcha, marcha,
et arriva à cet endroit. Une chèvre monta sur la dalle qui bougea. Le
berger l'appela disant: Guechgâ! guechgâ! Zalgoume répliqua: Qui
dit ainsi guechgâ guechgâ! Que
la gale le dévore! Dis
à mon père et ma mère: Voilà
Zalgoume dans un trou! Les
chèvres prirent peur; pas moyen de les faire passer. L'homme écoutait
qui parlait ainsi. Il ne vit personne. Elle parlait de dessous la dalle.
Il se mit à crier sur ses chèvres, qui partirent. A
l'heure du retour, vers quatre heures, le berger rassembla ses chèvres
pour revenir à la maison. Une chèvre monta encore sur la dalle. Il cria:
Guechgâ! guechgâ! Et la voix se fit entendre de nouveau disant: Qui
dit ainsi guechgâ guechgâ! Que
la gale le dévore! Dis
à mon père et ma mère: Voilà
Zalgoume dans un trou! Quand
le berger, en compagnie du père de Zalgoume, passa le lendemain matin,
une chèvre monta de nouveau sur la dalle. Il lui cria: Guechgâ! guechgâ! Alors
Zalgoum dit: Qui
dit ainsi guechgâ guechgâ! Que
la gale le dévore! Dis
à mon père et ma mère: Voilà
Zalgoume dans un trou! Son
père s'écria aussitôt: c'est ma fille! il s'approchât d'elle: Zalgoume,
viens! Qu'est-ce qui t'a emmenée ici? Pourquoi te caches-tu ainsi? Elle
répondit: Autrefois
tu était mon père, mon père! Mais
maintenant tu es mon beau-père! Il
partit. Le
lendemain vint sa mère. Elle l'appela: -
Zalgoume, viens! Elle
répondit: Autrefois
tu étais ma mère, ma mère! Mais
maintenant tu es ma belle-mère! Elle
partit. Ensuite
son frère, non pas celui qui devait l'épouser mais l'autre, l'appela: -
Zalgoume, viens avec moi! Elle
répondit: Autrefois
tu étais mon frère, mon frère! Mais
maintenant tu es mon beau-frère! -
Zalgoume, je t'adjure par Dieu montre-moi au moins ta main que je la vois!
Elle lui montra sa main en la faisant sortir sous la dalle. Il la coupa et
l'emporta. Va! lui dit-elle. Que Dieu une épine dans la rotule de ton
genou! Que ne puisse te l'enlever ni français ni kabyle! Que seule la
main que tu as coupée puisse te l'enlever. Il
partit emportant la main. Au milieu du chemin, une épine se planta dans
la rotule de son genou. Il
revint à la maison et resta malade dans un coin. On amena un médecin,
tous les guérisseurs de partout: chacun essaya d'enlever l'épine,
personne ne réussit. Quand
à Zalgoume, elle restait dans son trou. Un jour un passant la trouva; il
revenait de son champ et la vit sur la dalle. Il eut peur de passer et
dit: -
Je t'adjure par dieu et Lalla Fatima, fille du prophète, de me dire qui
tu es! Si tu es une créature humaine viens avec moi, je t'emmène. Si tu
es un mauvais génie, que Dieu t'éloigne de nous! Elle
lui dit: -
Je suis une créature humaine comme toi. Mais c'est Dieu qui m'a amenée
ici et j'y suis restée. -
Viens avec moi! -
Je ne peux me lever, je n'ai pas de vêtements; ils sont tous déchirés:
je suis nue, je ne viendrai pas. L'homme
enleva sa cachabia (burnous) et la lui jeta en disant: -
Tiens, mets-la et viens avec moi. Elle
revêtit la cachabia de l'homme et partit avec lui. Cet
homme était déjà marié; il aviat une femme à la maison. Il amena
Zalgoume avec lui, et l'épouse. Il
se préparait à partir au pèlerinage. Il leur acheta de la laine, de la
nourriture pour toute une année; du plâtre du pays. -
Vous blanchirez vos chambre, leur dit-il. Il acheta tout ce qu'il fallait
et partit en les laissant ainsi. Sa
co-épouse dit un jour à Zalgoume: -
Va laver la laine. Elle partit. Un corneille passa et lui dit: Âk! âk!
Donne-moi une poignée de laine, je t'apporterai ta main! -
D'où vas-tu m'apporter ma main? Elle sans doute pourrie! Ou bien qu'en
ont-ils fait?... -
Je te dis, donne moi un peu de laine je t'apporterai ta main! Elle
lui donna de la laine, la corneille en couvrit ses enfants, puis il lui
apporta sa main. Elle
souffla de la morve (sauf ton respect) et sa main fut collée: elle devint
mieux qu'avant. Zalgoume lava sa laine et revint à la maison. Sa
co-épouse lui dit: Zalgoume, comment t'y es-tu prise pour ta laine? Elle
répondit: -
Je l'ai portée à la rivière et lui ai dit: rivière, lave-la-moi et
rends-la moi! Elle me l'a lavée et me l'a rendue. La
femme fit ainsi pour sa laine; elle la donna à la rivière en disant: -
Rivière, lave-la-moi, rends-la-moi! Elle attendit encore et revint
bredouille. -
Tu m'en a joué un tour, Zalgoume, dit-elle. Est-ce
ainsi qu'on agit? Est-ce
cela que je t'ai dit? Je t'ai dit: fais un trou et laves-y la laine peu à
peu. Toi tu l'as donnée à la rivière. Tu
pense que la rivière va te la rendre! Eh bien, c'est fini! Elle rentra
chez elle. Le
mari avait acheté de la graisses fraîche. Comment as-tu traité cette
graisse, Zalgoume? -
Je l'ai enterrée sous le tas d'ordures. Quand j'ai voulu blanchir, je
l'ai rapportée; j'ai amené des chiens, je la leur ai donnée manger;
alors je leur ai dit: -
Barbouillez le mur et ils m'ont enduit toute la maison. Voilà ce que j'ai
fait.1
Or
c'était un mensonge: elle avait salé sa graisse et gardée dans une
marmite. Quant
à l'autre, elle fit ainsi à sa graisse elle l'enterra sous les ordures
puis amena des chiens, qui la mangèrent. Elle cria après eux et ils
barbouillèrent toute la maison: sa chambre devint infecte. Zalgoume
blanchit donc avec soin sa chambre, tissa une cachabia pour son mari. Chacune
des deux eurent deux garçons. Le fils de Zalgoume grossissait de jour en
jour: quant à l'autre, il n'étatit pas en bonne santé, il était
maigre. Elle lui dit: -
Zalgoume, comment soignes-tu ton fils? -
Je le mets dans une outre et je m'en faits un oreiller la nuit. Elle fit
ainsi: son fils mourut; le matin elle le trouva mort. Au
retour du pèlerinage, le mari regarda la maison de l'une: tout était étincelant,
la maison bien blanchie, la graisse dans la marmite, la cachabia tissée. Il
regarda la chambre de l'autre: son fils était mort, la chambre sentait
mauvais, tout était gâché. Il lui dit: -
Vois la porte, déguerpis! Je n'ai pas besoin de toi. Il
resta avec Zalgoume, qui eut un deuxième enfant. L'un portait une mèche
d'or, l'autre une mèche d'argent. Le
temps passa, ils grandissaient. Un
jour elle leur dit: -
Dites à votre père, quand il rentrera: Papa, nous irons chez nos oncles
maternels. s'il vous dit: j'ai trouvé votre mère dans la forêt, elle
n'a pas de parents, dites-lui: -
Papa, y a-t-il une forêt qui n'ait pas de parents. Quand
le père arriva, ses filles lui dirent: -
Papa, allons chez nos oncles. Il leur dit: -
Mes enfants, j'ai trouvé votre maman dans la forêt, elle n'a pas de
parents. Il
répondirent: -
Non! y a-t-il une forêt qui n'ait de parents? -
Eh bien, allez! Dites à votre mère que vous voulez partir. Elle
les revêtit de vêtements neufs très beaux mais par dessus elle elle
leur mit des haillons. Elle
fit de même pour elle: en dessous elle mit de beaux habits et dessus de
vieilles choses. Ils
allaient en mendiant. Quand ils furent près de la porte de ses parents,
elle dit: -
Voulez-vous nous héberger pour l'amour de Dieu? Sa
mère sortit et lui dit: -
Entre ma fille, reste ici dans le vestibule. Mais son frère dit: -
Fais-les entrer dans la maison. Alors
ils entrèrent. Elle
vit, dans l'angle de la pièce, son frère malade, toujours avec son épine
dans son genou. Ils
bavardaient près du feu. Elle
demanda: -
Celui-là, qu' a-t-il ainsi? -
Il est malade: une épine s'est plantée dans son genou. Depuis ce jour
nous avons amené tous les gens possibles, tous les médecins: personnes
ne l'a enlevée. -
Attendez un peu, dit-elle donnez moi de la lumière. -
Allons donc! Si aucun médecin ne l'a enlevée, à plus forte raison toi! -
Qui sait? Peut être l'enlèverai-je? Donnez moi de la lumière,
j'essaierai. D'un
sel coup elle enleva l'épine... Pleins
de joie il s'écrièrent: -
C'est notre Zalgoume. Alors
la terre se mit à aspirer son père et sa mère: elle les attirait, les
avalait... Zalgoume
les empoigna en disant: -
Je vous pardonne au nom du sein que vous m'avez donné. Elle
retira son père et sa mère. Tous
étaient dans la joie. Ils
firent une grande fête puisqu'elle était
revenue à la maison. Ils
se réjouissaient aussi pour celui qui était guéri après combien d'années
de maladie! Ils firent de grandes aumônes. Puis elle repartit chez son
mari. Mon
histoire a suivi son cours comme la rivière, Je
l'ai racontée à de nobles gens.
|
contes
merveilleux et fables Textes
nouveaux dans le parler des At Abbas
|
Voilà
ce qu'on raconte, Que
mon histoire soit belle, Qu'elle
se déroule
comme le galon de laine tressée Et
qu'elle devienne comme une poutre. Conte
Medrabalef
Il
y avait un pauvre homme, qui ramassait du bois dans les champs; il
rapportait des fagots, qu'il vendait; c'est ainsi qu'il nourrissait ses
enfants. Un
jour il trouva un perroquet posé sur son nid; il allait s'approcher de
l'oiseau quand il se dit: par Dieu, je le laisse, je n' y touche pas. Je
vais ramasser mon bois de l'autre côté là-bas pour qu'il ne le se sauve
pas. Il partit au travail. En
revenant il vit que le perroquet avait pondu un oeuf. Il apporta cet oeuf
à la maison, il avait sa charge de bois. Il
rencontra un homme qui lui dit: -
Tu vends cet oeuf? -
Cesse de plaisanter. -
Par Dieu c'est la vérité que je te dis. Le vendrais-tu pour cinq cents
francs? -
Va donc, tu te moques! y a-t-il des oeufs qui se vendent cinq cents
francs? -
Je te dis que je le veux à tout prix. J'en donnerais cin cents francs si
tu ne me crois pas. L'homme
lui donna l'argent, prit l'oeuf et partit. Tout
les jours il continua ainsi, il apportait des oeufs et les vendaient au même
homme. Ainsi
il gagna bien et devint riche. Il mit de l'argent de côté et se dit: je
vais aller au pèlerinage. Il
prépara des provisions pour un an, donna à sa femme une servante qui lui
fasse le travail de la maison. Il
apporta le perroquet chez lui et dit à sa femme: -
Sans faute, sans faute, quand le perroquet pondra, envoie les enfants
porter l'oeuf à l'homme. Il partit. Le
perroquet pondit, la femme donna l'oeuf à ses enfants; l'homme paya cinq
cents francs; le lendemain de même, le surlendemain aussi. Alors
l'homme leur donna une drogue dans une tasse et leur dit: -
Portez-la sans faute à votre mère. Ils répondirent: Allons donc! Nous
ne la porterons pas à notre mère: cette drogue est mauvaise. -
Je vous dis: portez-la à votre mère, sinon je vous tue. Les
enfants portèrent le remède à leur mère. Dès
qu'elle bu, elle dit: -
Je veux à tout prix que cet homme vienne! Les
enfants lui dirent: -
C'est un étranger! Tu sais bien, que notre père lui vendait les oeufs,
c'est tout! Pourquoi l'amener à la maison Qu'est-ce qu'il est pour nous?
Il n'est pas de la famille, nous n'avons rien de commun avec lui. -
Il faut absolument qu'il vienne, sinon je vous tue. Ils
allèrent faire la commission à l'homme et celui-ci arriva. Lui et la
femme s'assirent tous près du feu. -
Allons-nous rester à nous regarder comme ça, dit-il. Si tu m'aimes, égorge-moi
le perroquet. -
Cest tout ce que tu demandes? Elle
donna le perroquet aux enfants et les envoya en disant: allez l'égorger. Ils
l'égorgèrent et le rapportèrent à la maison. L'homme
sortit. La mère monta à l'étage se faire belle, changer de vêtements. La
servante prépara le repas avec le perroquet. Elle appela les enfants: -
Venez! Quand j'aurai fait cuire le perroquet, vous le trouverez sous le
grand plat; que l'un prenne la tête, l'autre le coeur. Puis partez,
sauvez-vous. si le l'homme vous trouve, il vous tuera. Quand
l'oiseau fut cuit, la servantes alla à la porte et les appela. La mère
n'entendit pas: elle était à l'étage. Ils
entrèrent, l'un prit la tête, l'autre le coeur. Ils mangèrent et
s'enfuirent. Ils allèrent de village en village. Quand
l'homme revint, il entra. La femme lui servit à manger, lui versa le
bouillon. Elle lui donna la viande du perroquet. Dès
qu'il l'eut regardée, il envoya un coup de pied dans le plat en disant: -
Si ce que je veux n'est pas là, je ne mangerai pas ces morceaux! Il
ne trouva que des os. Il n'y avait ni la tête ni le coeur et c'est ce
qu'il désirait. La
femme dit à sa servante: -
C'est toi qui as fait cuire le repas. Elle répliqua: tes enfants ont
peut-être pris quelques morceaux? Moi, je ne sais pas. Elle
envoya l'homme: cours, poursuis-les! Il
partit à leur poursuite, les chercha et ne les trouve pas. Il
revint à la maison en disant: je ne les ai pas trouvés. Revenons
maintenant aux garçons. Ils marchèrent longuement. Celui qui avait mangé
la tête du perroquet (arriva dans un village). Dans ce village on avait
publié: le roi est mort! Si nous trouvons quelqu'un couché sur la
banquette (de la maison) du roi, c'est lui qui deviendra roi! Or,
surpris par la nuit, notre garçon s'assit sur cette banquette; il faisait
noire, il n'avait où aller: il dormit. Quand
à celui qui avait mangé le coeur, il entra chez une femme: elle était
vielle et pauvre. Il
entra et lui dit: -
Veux-tu m'héberger cette nuit pour l'amour de Dieu? Elle répondit: -
Viens, mais de la nourriture, il n'y en a pas. -
Laisse-moi seulement passer la nuit. -
Entre mon fils. Il entra -
Il est vrai qu'il y a ici une noce, dans notre village: va manger là-bas! -
Eh bien, grand-mère, donne-moi un récipient, j'apporterai la nourriture
ici, mous mangerons ensemble. Elle
lui donna un récipient, il le remplit l'apporta à la maison, ils mangèrent. Quand
à celui qui avait mangé la tête, le lendemain très tôt un chikh le
trouva sur la banquette du roi. Il le saisit, tandis qu'il dormait encore.
Tout effrayé il dit: qu'est-ce que j'ai fait Qu'est-ce que j'ai fait? Le
chikh répondit: -
Tu n'as rien fait. Nous avons juré: celui qui dormira sur la banquette du
roi, c'est qui deviendra roi, puisque notre roi est mort. Il
devint donc roi. c'est lui qui gouverna ce village; il fut dans la prospérité,
se maria: il ne manquait de rien. Quand
à celui qui avait mangé le ceour, chaque matin un coeur en or lui
tombait de la tête. La
veille prenait le coeur et grâce à lui achetait toutes les provisions:
viandes, tout ce dont elle avait besoin. Quand
le garçon sortait, elle lui disait: attention! Reviens! Prends garde
d'aller ici ou là. Il
répondit: -
D'accord. Il
resta chez elle; il la traitait comme sa mère. Un
jour il lui dit: -
Eh bien grand-mère, il y a longtemps que je t'ai laissée prendre tous
les coeurs. Maintenant je
vais acheter une petite corbeille pour les ramasser. Je vais partir à la
recherche de mon frère. -
D'accord dit-elle. Il
ramassa cet argent: chaque coeur qui tombait, il le ramassait. Un jour il
partit. Il
marcha longtemps. Arrivé dans un village, il trouva un groupe de gens en
contre-bas, regardant vers le haut. Ils étaient nombreux. -
Qu'est-ce que vous regardez ainsi? Leur dit-il. -
Si tu voyais! Il y a une femme nommée Medrabalef, elle resplendit d'or!
Elle est ravissante. -
Comment fait-on pour l'appeler? -
O lui dit: Ô Medrabalef, tiens-toi à la fenêtre, je te donne alef
(mille). dès
qu'on lui donne mille francs, elle arrive. Si on ne les lui donne pas,
elle ne paraît pas. Il
l'appela: il voulait la voir pour savoir qu'est-ce c'était cet Medrabalef.
Il ne la connaissait pas. Il l'appela donc: -
Ô Medrabalef, tiens-toi à la fenêtre, je te donnerai alef. Elle parut
aussitôt, il ne lui donna rien. Elle
envoya des serviteurs disant: -
Courez, amenez-le, je vais le faire jeter, par ici. Les serviteur l'entourèrent,
le prirent, l'emportèrent à Medratalef, qui le jeta en bas par la fenêtre. Il
était tout sale; il alla à la fontaine et se lava entièrement. Il
trouva hors des figues hors de saison. Il en mangea une noire: des cornes
lui poussèrent; il en mangea une blanche: ses cornes tombèrent. Il se
dit: C'est ça que j'apporterai à Medratalef. Il
apporta des figues et l'appela: Ô Medratalef, tiens-toi à la fenêtre,
je te donne alef. Elle parut aussitôt. Il lui dit: -
Regarde des figues hors saison! Il lui en jeta une noire: des cornes lui
poussèrent. Elle se dit: -
Ô mon maître, mon maître! il va me trouver!.. Le
garçon lui en jeta une blanche: les cornes tombèrent. Elle
envoya vers lui des serviteurs en disant: - Courez! Attrapez-le! je vais
le jeter d'ici! les serviteurs l'attrapèrent et le jetèrent de là. Il
partit de nouveau se laver à la fontaine. Il
trouva une bride en or. Il la mit, et aussitôt devint une gazelle.
Il l'enleva et redevint un homme. Il se dit: - C'est ça que je vais
apporter à Merdatalef. Il
prit les mors et partit. Il dit: -
Ô Medratalef, tiens-toi à la fenêtre, je te donne alef!... Vois ce
mors: avec lui tu seras encore plus belle que maintenant! -
Jette-le-moi, dit-elle, je vais l'essayer. Il le lui jeta; elle l'essaya:
à peine l'eut-elle mis, qu'elle devint une gazelle. Il la saisit d'en
bas, la tira à lui monta dessus et partit. Son
frère avertit le village -
Etendez de la soie par terre! Si c'est mon frère, il piétinera, si ce
n'est pas mon frère, il marchera en l'évitant. On
mit de la soie partout par terre. Il arriva, trouva les portes fermées.
La porte de son frère se trouvait la première sur le chemin. Il courait
avec sa gazelle. Arrive là, il frappa à la porte de son frère. Celui-ci
ouvrit et lui dit: -
Mon frère comment vas-tu? Comment vas-tu? Depuis combien de temps ne nous
sommes-nous pas vus.? Il
répondit: Me voilà, je suis là! -
Fais entrer ta gazelle! -
Tu crois que c'est une gazelle? Si je lui enlève ce mors, elle deviendra
plus belle que tes femmes! Il
lui enleva le mors: elle devint resplendissante. Il
en fit sa femme. Alors les deux jeunes gens devinrent l'un roi, l'autre
son intendant: c'était de vrais frères, ils travaillaient ensemble. Quand
leur père revint de la Mecque, il entra chez lui et trouva l'homme près
du feu; il trouva sa femme; mais ses enfants n'étaient plus là ni la
servante ni le perroquet. Il dit: -
Qu'est-ce que c'est, femme? Elle répondit: Par hasard nous te
connaissons? Nous ne te connaissons absolument pas. Pars
d'ici... Lève-toi homme, tue-le! Le
pèlerin répondit: -
Ne me tue pas! Dis-moi seulement où son mes enfants. C'est tout ce que
j'ai à te dire. -
As-tu des enfants par hasard? Tu n'en n'as pas! Je
ne te connais pas et tu ne me connais pas! Viens
en justice, lui dit-il. Ils partirent pour le tribunal, le juif, sa femme
et lui. Il
marchèrent longtemps. Ils trouvèrent un homme dont l'âne était tombé.
Le pèlerin essaya de faire lever l'âne; il le prit par le queue et
celui-ci resta dans la main. Ah!
il a arraché la queue de mon âne! dit le propriétaire. Viens en
justice! -
C'est justement là que nous allons! Il
marchèrent encore: ils trouvèrent de nouveau un garçon dont le mulet était
tombé. Il l'attrapa par les oreilles pour le faire lever, alors les
oreilles du mulet s'arrachèrent. -
Oh lala! Il a arraché les oreilles do mon mulet. Viens en justice -
C'est justement là que nous allons. Alors
il se dit: -
Tant de procès qui me tombent en tête! Ils vont me tuer! Mieux vaut que
j'aille me jeter moi-même dans le précipice là-bas! Il
monta sur la falaise et y trouva un vieillard: son fils était en train de
l'épouiller. Au
lieu de tomber lui-même dans le trou, il poussa le vieux, qui roula dans
le precipice... Le garçon s'écria: -
Oh lala! Il a fait tomber mon vieux père. Viens en justice. -
C'est là que nous allons. Ils
arrivèrent au tribunal. Ils entrèrent. Les fils du du pèlerin
reconnurent l'homme, leur mère et leur père. Quant à ceux-ci, ils ne
les reconnurent pas. Leur père les avait laissés jeunes, il les
retrouvaient des hommes; il ne les reconnut pas: Le
roi se leva et dit: -
Toi, jeune homme, que veux-tu? -
Cet homme à trouvé mon âne par terre, il a voulu le relever, il lui a
arraché la queue! -
Va à l'écurie des ânes: choisis celui qui te plaît et emmène-le. Il
vint à celui dont le mulet était tombé: -
Et toi, que veux-tu garçon? -
Cette homme a trouvé mon mulet par terre, il a voulu le relever, il lui a
arraché les oreilles! -
Va à l'écurie des mulets: choisis celui qui te plaît le mieux, emmène-le! Il
vint au troisième: -
Et toi, que veux-tu, garçon? -
Cet homme a trouvé mon vieux père; j'était en train de l'épouiller
au soleil sur la margelette d'un puits, il l'a poussé dans le
puits et mon père y est tombé! -
Tiens, je vais te donner de
l'argent, assez pour vivre jusqu'à ta mort. Il
lui donna l'argent et le garçon partit. C'était
maintenant le tour de l'homme. On mit celui-ci dans une chambre, la mère
dans une autre, le père également seul dans sa chambre. Ils
allèrent vers l'homme: -
Qu'est-ce qui t'emmène ici? -
Ce vieux est arrivé. C'est cette femme, depuis que je suis jeune, est à
moi. Lui est venu disant: c'est ma femme. -
C'est vrai, depuis ta jeunesse, elle est ta femme? -
Depuis ma jeunesse, elle est ma femme. -
N'est-ce pas un mensonge? Ce n'est pas ta femme? Il
t'aurait mentit ainsi en disant c'est ma femme, alors qu'elle ne
serait pas sa femme vraiment? -
Je t'ai dit: depuis qu'elle est jeune, c'est ma femme. Il
insista en disant: -
N'es-tu pas l'homme à qui nous apportions des oeufs? Nous te les
vendions. -
Allons donc! Je vous connaîtrais! Je ne vous connais ni vous ne
connaissez! -
Je te dis non! Ce n'est pas ta femme! C'est notre mère! C'est nous qui
t'apportions les oeufs. Tu te souviens quand tu nous donnas une drogue en
nous disant: portez-l à votre mère qu'elle la boive! -
Non c'est ma femme! Les
serviteurs préparèrent de l'huile, en firent bouillir tout un toneau;
ils mirent l'homme à nu et le jetèrent dans l'huile bouillante. Il était
cuit, sa chaire s'en allait en morceaux. Il cria: ce n'est pas ma femme!
ce n'est pas ma femme! -
Continue! Continue à cuire! Disaient-ils. Il se tourna. Il était complètement
brûlé. Les
serviteurs l'emportèrent dans une bouette. Ils
vinrent à leur mère: -
Et toi, qu'est-ce qui t'emmène ici? -
Ce pèlerin est arrivé, il m'a demandé ses enfants. Moi je ne l'ai pas
épousé: je ne le connais pas, il ne me connaît pas. c'est l'autre que
j'ai épousé. -
C'est cet homme que tu as épousé et non ce pèlerin? -
C'est lui! Depuis que je suis jeune, il m'a pour femme. -
N'est-ce pas un mensonge? -
Non! En vérité, il était jeune quand je l'ai épousé. -
Ne sommes-nous pas tes enfants? -
D'où vous connaîtrais-je? -
Tu te trompes sans doute? -
Non! Je ne vous connais pas! Vous n'êtes pas mes enfants! -
N'est-ce pas nous qui t'avons apporté la drogue que nous avait donnée le
juif: tu l'as bue. Tu as dit ensuite: Où est l'homme qu'il vienne! -
Non! -
N'est-ce pas nous qui lui portions les oeufs? -
non! A qui parles-tu? C'est celui-là mon mari! De
nouveau ils firent bouillir de l'huile, l'apportèrent, ils mirent la
femme nue et la jetèrent dans l'huile. Elle cria: Ce n'est pas mon mari!
Ce n'est pas mon mari! -
Continue! Continue à cuire! Disaient-ils. Elle mourut; les serviteurs la
jetèrent. Ils
vinrent à leur père: Ô homme, qu'est-ce qui t'amène ici? -
Je suis parti en pèlerinage à la mecque. A la maison j'ai laissé un
perroquet, mes enfants; j'ai fait une recommandation à ma femme: quand le
perroquet aura pondu un oeuf, envoie mes enfants le porter à l'homme, ils
vous donnera de l'argent. Quand je suis revenu, je n'ai trouvé ni le
perroquet, ni mes enfants. J'ai trouvé cet homme inconnu chez moi. Ca
m'est égal qu'elle l'ait épousé. Si seulement j'avais retrouvé mes
enfants! Voilà mon histoire! Quelle
triste affaire! ils lui dirent: -
Nous somme tes enfants. -
Allons donc! Vous n'êtes pas mes enfants! Je ne vous connais pas! -
C'est nous! L'homme nous a donné une drogue et nous a dit: portez-l à
votre mère à qu'elle la boive. nous la lui avons apportée. Il a fait égorger
le perroquet... Et lui racontèrent toute l'histoire depuis le
commencement... Alors
il embrassa ses enfants, heureux de les avoir retrouvés; il en pleurait,
le pauvre. Ils l'emmenèrent au bain: il prit une bonne douche, se lava la
tête. Ils le revêtirent de
beaux habits. Il devint roi et ses enfants ses ministres. Ils marièrent
leur père et lui firent une grande noce. Mon
histoire a suivi son cours comme la rivière, Je l'ai racontée à de nobles gens
|
Les
fourberies
d'INISI Fables
composées dans le style traditionnel par
une collaboratrice de Ouaghzen. F.D.B N°107 -Fort National- 1970 (III)
|
La figue de barbarie |
Il
advint une année de famine pour les bêtes sauvage habitant le maquis.
Tout ce qui avait petites oreilles dressées et pattes trottinant mourait
de faim, tous ceux qui disent: nous voulons dormir. s'étant
donné le mot, ils rassemblèrent sur une croupe buissonneuse, se mettant
à l'abri de bouquet de cactus, pour n'être pas vus de ceux qui possèdent
les énormes molaires, les défenses et les griffes. Il y avait là chacal
et Hérisson, chacun de son côté. Ils surveillaient, se souvenant des méchancetés
qu'ils s'étaient faites. Tous ceux qui faisaient cercle étaient bien
maigres, sauf Hérisson, chasseur de vermine, qui n'avait pas souffert: il
avait pris du ventre. Chacal se sentait des démangeaisons au menton, il
avait envie de manger Hérisson. Sa bouche s'humectait et laissait déborder
sa salive. Il se disait: Ô
Morceau de poitrine, le
manque de force me prive de toi. Les
autres bêtes ne savaient que dire. Ils se demandaient d'ou leur
viendraient les vivres. Tout à
coup, le chat, fils de lion, parla: il leur rappela le repas que le lion
leur avait offert quand il avait eu la fièvre: -
Quelle galopade ce jour-là! Nous nous sommes mis en route tout
tremblants: nous craignons que le roi des animaux ne nous dévore: c'est
lui qui nous a fait manger. Il y avait de tout et du meilleur. Que de lait
nous avons bu! Que de viandes nous avons mangées! Combien d'oeufs avaient
été cuits! Et
encore, Chacal, ave ses petits yeux malins, en rajoutait: -
Malgré les pièges que je lui avais tendus les mangeailles qui avaient été
servies. Avec des cris, ils dirent ce que chacun préférait. Le
chat venta le lait: -
Jamais ne reviendra un jour pareil: j'ai lapé tant de lait que ma bedaine
en était toute gonflée. Chacal,
mangeur d'agneaux, dit: -
Tu t'y connais, muet mangeur de rats? Y a-t-il meilleur qu'un morceau de
plat de côtes? Même pour un malade, il en faut très peu. Le
serpent dit: -
Plaisanteries que tout cela. Pour moi, rien ne vaut les oeufs. Ce jour-là,
Dieu m'a comblé: j'en ai gobé un tas énorme. Si cela ne dépendait que
de, je ne dépenserais pas mon argent pour des broutilles et ne
chercherais que les oeufs qu'on n'a pas besoin de mâcher. Ils
faisaient de plus de vacarmes en raison de l'appétit et la gourmandises
qui les possédaient. Hérisson, qui avait l'estomac bien garni, avait la
tête cassées de tous ces discours et n'y trouvait aucun sens: autant
semer dans la rocaille. De sa petite voix, il dit: -
Laissez-moi tranquille, imbéciles qui cherchez l'impossible. On dit: Les
At-Ghorbri, quand ils rêvent de figues, ils en parlent. Dans la disette où
nous sommes, une figue tombée avant maturité, nous ne trouvons pas à
nous la mettre sous la dent et vous demandez des denrées hors de prix: de
la viande, des oeufs, du lait. La viande est appréciée: la bonne viande
nous l'aimons tous mais elle vient de la montagne infertile. Pauvres de
nous, sur qui règne la faim, puissions-nous parvenir à avoir des oeufs
et du lait: eux aussi nourrissent la viande: l'oeuf, c'est la chair qui le
produit et il engendre la viande emplumée. Le lait vient de la viande et
fait grossir nos enfants. Pour la santé, manger un oeuf, qui boit du lait
mange de la viande. Chacal,
tout ce qui disait Hérisson sur la viande, il n'essayait pas de le
comprendre: il n'entendait. Il ne détournait pas ses yeux de la bedaine
d'Inisi. Celui-ci
s'en rendait compte. Il voyait chacal se gratter le menton, se demandait
par où il allait le prendre. Il lui dit: -
Ta barbe te démange. Ben Yakoub: puisses-tu faire bientôt un bon repas
de viande: pour toi elle ne manque pas donc d'abord un fruit, pour
t'ouvrir l'appétit, supprimer tes tiraillements d'estomac. Il
prit une figue de barbarie, avec toutes ses épines et dit à Chacal: -
Ouvre la bouche et ferme les yeux. Chacal
brûlait d'impatience: il ouvrit la bouche, en fermant les yeux. Hérisson,
sans barguigner lâcha la figue qui alla se coincer dans le fond du
gosier. Chacal, la gorge pleine d'épines ne pouvait plus respirer: la
figue était si si bien bloquée dans son gosier qu'il ne pouvait ni
parler ni crier. Toutes
les bêtes présentes défaillaient de rire. Le crapaud avait un ventre si
gonflé qu'il risque d'en éclater. La cigale crissait à en perdre le
souffle. Hérisson, déclara: -
De ce peu d'épines d'une figue de Barbarie, tu ne peux venir à bout: que
serait-ce de moi? Au revoir: fasse Dieu que ne tu ne puisses ni l'avaler
ni la rejeter. Il
battit le sol de ses petites pattes et, en trottinant, il s'en alla.
|
La gale |
En
cette fin d'hiver, alors que les grandes gelées avaient cessé, les bêtes
sauvages commencèrent à pointer le museau hors de leurs repaires. Elle
feraient leurs nids et au premier bourdonnement des abeilles, elles
auraient leurs petits. Hérisson n'avait même pas senti passer l'hiver.
Logé dans des bottes de fourrage, il était resté plongé dans la tiédeur
de son sommeil. Un
jour le maître du fenil vint avec sa femme chercher du fourrage. En
marchand, ils parlaient de leurs enfants à qui la gale arrachait la peau.
Hérisson, tapi, dressait les oreilles pour entendre. L'homme dit à sa
femme: -
Aujourd'hui, il fat beau: prépare aux enfants un bain à l'eau de cendre.
Mets dans la couscoussière du thym et de la paille pour que l'eau soit
bien filtrée. Quand tu les auras baignés qu'ils seront séchés,
frotte-les avec le médicament que j'ai apporté pour eux. Prends-les en
une fois, sinon ils se repasseraient la contagion. Chaque jour le bain et
chaque jour la friction, jusqu'à ce que le mal les quitte. Jette la peau
de mouton sur laquelle ils dorment. -
Mon ami, dit la femme, je ne jetterai pas une peau toute neuve à poile si
longs. Cela me ferai trop de peine. -
Ce soir, dit-il, je ne veux plus la voir à la maison, sinon c'est moi qui
la jetterai au fumier: c'est cette toison qui leur a donné le mal. Ils
lièrent leurs bottes de foin et remontèrent chez eux. Hérisson
n'avait rien perdu de la conversation. Il se dit: J'ai trouvé ce qu'il
faut à chacal: je vais lui procurer de quoi engluer ses enfants. Au
petit matin, il extirpa la toison du fumier, la plia et en fit un paquet
pour chacal. Se rendant chez lui pour le féliciter à l'occasion de récente
de la naissance de ses enfants, il lui dit: -
Bonjour. Prospérité à tous. L'esclave noire en toute hâte va vous
porter le déjeuner du matin. J'ai appris que tu as eu des enfants, oncle
Ben Yakoub: qu'ils soient source de bonheur! Je leur ai apporté un
cadeau, présage d'une longue vie: une toison neuve, au poil long et
chaud: ils y grandiront. Chacal,
au comble de la joie, le reçut aimablement et lui offrit même le café.
ses yeux faisaient des larmes comme des prunes: Hérisson lui enlevait (le
souci des) gelées nocturnes. Depuis
lors, il mit ses petits à dormir dans la peau de mouton: ils s'y
vautraient au chaud. Leur mère sautait de joie: ils étaient tranquillisés
pour leurs enfants. Les
petits, les pauvres, n'eurent pas à attendre longtemps: au bout de
quelques jours, ils commencèrent à se gratter et à perdre les poils de
leur dos. Les parents pensèrent qu'ils s'agissait de puces ou autres
insectes passant de l'un à l'autre, mais ne surent pas que c'était la
gale qui les travaillait. Ils les emmenèrent un par un, au soleil, les épucèrent,
les léchèrent. Les petits ne guérirent pas: mieux, le mal passa aux
parents. Tout le monde à la maison se grattait: ils ne savaient ni la
cause de leur mal ni la cause de leur mal ni le remède à employer. Les
petits étaient couverts de boutons et ils finirent par mourir. On
le dit: celui qui est au plus mal s'agite. Chacal alla parler à Hérisson
et lui dit: -
Tu as bon coeur: le service que tu m'as rendu est très grand: je
n'oublierai pas la toison que tu as donné à mes enfants. -
Il n'y a pas de quoi, répondit Hérisson; au fait, comment vont-ils? -
Ne m'en parle pas: ils sont arrivés où nous irons tous. -
Dieu les repose et les remplace par d'autres qui vivront. Quelle maladie
avaient-ils contactée pour qu'ils meurent tous ensemble. -
Une sorte d'éruption: ils se grattaient, perdaient leur poil; à la fin,
ils sont mort. Maintenant, c'est nous qui avons pris leur mal. Je suis
venu te trouver que tu m'indiques si nous pourrions y faire quelque chose. Hérisson,
conscient du mauvais tour qu'il leur avait joué, voulut aller jusqu'au
bout. Il indique à Chacal une médication énergique. Il lui donna un remède
pour des frictions: des cristaux avec du souffre à mélanger à de la
vielle huile. Il renouvela sa mauvaise plaisanterie an lui disant: -
Voilà ce qui chasse les insectes. Lavez-vous, frictionnez-vous jusqu'à
complète guérison, mais attention: un par un, pas les deux en même
temps. Chacal,
en marchant, se disait: c'est moi le chef: c'est donc moi qui dois me
soigner le premier. Je ne dirai rien à ma femme avant d'être guéri. Il
s'occupa de lui-même, appliqua le remède. Ses démangeaisons diminuèrent
mais le mal ne voulait pas le quitter: il empirait: -
Essai donc, dit-il à sa femme, ce remède que m'a donné Hérisson, pour
voir si tu y trouves la guérison. Elle se baigna donc et usa de
l'onguent. Après deux et trois jours, aucun effet: la gale empirait. Dame
Belette vint présenter ses condoléances à la famille Chacal pour la
mort de leurs enfants. Elle
constata qu'ils avaient oublié leur deuil et ne s'occupaient que de la
gale qui les tourmentait à l'extrême. -
D'où vous vient cela? Demanda-t-elle. -
Notre histoire est bien pénible: c'est pour cela que nos enfants sont
morts. -
Cela ne vous serait pas arrivé, dit la belette, si vous n'étiez pas allés
coucher chez des gens ou si personne n'était venu chez vous; quelqu'un
vous a peut être donné du tissu (contaminé). -
Seul Hérisson nous a donné une toison neuve à longs pouls et chaude:
Dieu le bénisse pour sa bonté à l'égard de nos enfants. -
Vous n'avez pas soupçonné la perfidie de Hérisson: son coeur est aussi
piquant que son échine: Hérisson s'est moqué de vous avec cette toison
qui vous a donné la gale. Jetez-la avant de vous soigner. Avez-vous
quelque médicament? -
Il nous reste encore un peu de celui que nous a donné Hérisson, mais
sait-on s'il ne nous a pas encore trompés? Ils
montrèrent le remède à la belette, qui déclara: -
Il est bon. Cela ne vous a rien fait? -
Nous nous en frictionnons, dirent-ils, à tour de rôle, comme nous la
prescrit Hérisson, mais le mal revient. -
Il vous a trompés: pour cette médication, il faut que vous vous laviez
en même temps: après vous être frictionnées, il faudra que toute la
literie de la maison soit lavée et une seule fois. Si vous ne vous
soignez pas en même temps, la gale ne cessera pas de rôder autour de
vous, comme l'âme du défunt autour de ses effets tant qu'ils n'ont pas
été lavés. Il
firent comme leur avait dit Dame Belette: ils se soignèrent tous les deux
en même temps et guérirent en même temps.
|
Les pilleurs de détritus |
Cette
année-là fut une année de faim et de soif. Les gens mouraient, les bêtes
aussi. Les oiseaux et les fauves furent atteints. Les insectes même
eurent à souffrir. Il y avait de quoi dire: cette année est misère pour
tous: nous allons renvoyer nos femmes. Au printemps, nous les reprendrons
pour qu'elles nous glanent quelques maigres épis d'orge. Un
jour, Chacal et Hérisson voyageaient ensemble. Tenaillés par la faim,
ils se dirigèrent vers le dépoire du village. Hérisson l'exploita
soigneusement, lentement. Il découvrit une vieille boîte de lait jetée
là par une femme chargée de jeunes enfants. Il avala le tout, sans
respirer, comme un mourant: on dit que la faim n'a pas de pudeur. Chacal,
lui, à moitié fou, se contentait de renifler toutes les vielles boîtes
vides. Il eut vite fait le tour du fumier. Soudain, comme frappé d'un
soufflet, il se souvint de Hérisson. Ayant dressé l'oreille, il
entendit le bruit de boîte: A quoi est-il accroché, celui-là? se
demanda-t-il. Il
se précipita vers Hérisson et vit qui achevait de lécher le bord de la
boîte. Il le bouscula et la lui vola, mais "celui qui avait mangé
était rassasié; à l'autre, le plat était enlevé". Il
comprit que la précipitation ne servirait à rien. Il s'approcha du
fumier et se mit à le fouiller méthodiquement. Il trouva le cadavre d'un
animal crevé, plein de vers et dégageant une odeur de cercueil. Il avala
en toute hâte: la faim, dit-on, l'emporte sur la répugnance. Toute
la nuit, ils rôdèrent sur le dépotoir: on aurait dit un terrain défoncé
par un ménage de sangliers. Ils ne trouvèrent rien d'autre que ce peu de
lait et cette charogne: c'était toujours autant: ils avaient aveuglé
leur faim. Au matin ils reprirent leur chemin, en piteux état. Leur
estomac leur semblait aussi chargé que des grenades. Un hoquet de mort
les secouait; la douleur leur remontait dans les flancs; des vagues (de
souffrance) leur passaient d'un coté à l'autre; leurs intestins
gazouillaient et parlaient anglais. Ils avançaient pas à pas, s'arrêtant
subitement: ils dégorgeaient, comme le goulot d'un pot, et par le haut
par le bas. Ils atteignirent enfin le bord d'un torrent s'y étendirent,
les pattes allongées, comme deux coquelicots (fauchés). Ils étaient
trempés des sueurs (causées par la rencontre) de l'Ange de la Mort.
Chacal restait allongé, sans vie. Quant à Hérisson, dès qu'il se fut
un peu reposé, en se traînant péniblement, il parvint à atteindre
l'eau. Il se mouilla la bouche: il sentit qu'il reprenait vie: le voilà
noir de l'Au-delà disparaissait de devant sa vue. Il se précipita,
buvant à longs traits: ses flancs se gonflaient: il se remettait très
nettement. Il se mit alors à grignoter des gousses de caroubier, car il
savait qu'elles lui assècheraient l'intestin et en feraient disparaître
le mal qui le rongeait. Chacal
était entre les main de Dieu, mais il ne pouvait s'empêcher de piquer Hérisson: -
Que ce soit la mort de ta race! Rassasie-toi de toutes les saletés que tu
as mangées. Tes intestins s'écoulent comme de l'eau de sainbois et,
malgré cela, tu ajoutes à ton estomac tant d'eau que le courant va
t'emporter. Toi que l'on que l'on a surnommé chasseur d'insectes, par
toute la terre, tu te ravales au niveau du bétail rongeur de caroubes.
Que Dieu achève le malheur où tu t'es mis. -
Chacun, répondit Hérisson, sait ce qui lui convient: les gens de bien
trouvent le bien; les méchants meurent dans leur malheur. Il
trottina vers son terrier pour s'y mettre à l'aise. Chacal
perdait ses poils, arrachés par les genêts. Ses côtes saillaient: on
aurait pu les compter. son intestin se relâchait: il était noyé dans
ses excréments. C'était la fin. Des essaims d'insectes et de mouches
l'entouraient en bourdonnât
au-dessus de sa tête. Deux,
trois jours (passèrent): le propriétaire du champ vint voir son bien.
L'odeur de charogne l'accueillit. Avançant de quelques pas, il découvrit
le chacal, sale, plongé dans ses déjections incapable de bouger ni pied
ni patte. -
c'est bien fait pour toi, dit l'homme: récolte ce que tu as semé. Le
filet de la justice divine t'enserre. En as-tu égorgé, les bêtes sans
parole! En as-tu étranglé, des chevreaux après leur avoir uriné dans
les oreilles! C'est bien fait pour toi. Dieu t'a noyé dans tes excréments
et tu les as mangé sans dire tes grâces. Celui qui a mangé la poule de
l'Iflis devra la remplacer par la sienne. Je ne vais pas gaspiller une
cartouche pour toi. Mes mains répugnent à te toucher: d'un bon coup de
pied, je vais t'envoyer au ravin: l'eau est assez forte pour t'emporter. Il l'envoya, d'un coup de pied, plonger dans un tourbillon d'eau. Chacal s'y enfonça, puis, le froid le saisissant, il commença à se débattre dans l'eau. Sans le vouloir il avala grosse quantité d'eau. Luttant contre le courant, il sortit du torrent. Il se secoua et fila: l'eau l'avait sauvé
|
Soleil ou lune |
Cette
année-là, madame Chacal, - je ne veux pas lui jeter le mauvais oeil, -
mit bas deux fois: elle eut des petits au printemps et elle eut encore à
la fin de l'automne. Chacal, tout fier, ne cessait de se vanter et
marchait sur la pointe des pieds. Quand il rencontra Hérisson, alors, il
ne connut pas de mesure: -
Je n'ai, lui dit-il, à tenir compte de personne: mon nid se remplit
chaque année: comme on dit: celui qui a des enfants dans la montagne n'a
rien à redouter dans la plaine. -
Mieux vaut, dit Hérisson, un Abbassi de noble souche que cent personnes
vivant dans la honte. Il
se rappelait encore le méchant tour qu'il lui avait joué la natte et il
pensait: Attends un peut, Ben Yakoub, vilain oiseau, ta peau on la vend au
marché du mardi: tu retomberas entre mes mains: où sont allés les
premiers iront aussi les derniers. Les
grands froids avaient cessé. Les petits de Chacal étaient difformes:
leur arrière-train traînait à la terre; leurs pattes étaient recourbées
comme des baguettes de tambour. Pour Chacal, les jours de vantardise étaient
passés: il cachait ses petits pour qu'on ne les voie pas: il se disait:
finis les beaux jours, mon cher: n'espère pas les voir revenir. La première
récoltes est perdue: un autre ne viendra pas. La malédiction est sur mes
petits. Si j'avais été raisonnable, je n'aurait pas dévoilé la bénédiction
dont j'avis été comblé.
Mais, puisque je l'ai chantée d'une colline à l'autre, maintenant, je
paie. Madame
Chacal, elle n'avait pas honte de ses enfants, malgré leur pauvre mine.
Ce que produit le sein maternel est toujours cher. On dit: la vache qui a
mit bas d'un hérisson se penche pour le lécher. et puis, elle avait
l'expérience: elle avait été mère plusieurs fois: celle qui a été
mariée deux fois ignore-t-elle quelque chose? Cette
année là, l'hiver avait été rude: personne n'allait même chez son
voisin; Elle savait que c'était de soleil que manquait ses enfants. Il
est la bête de toute cure: c'est lui qui tue les insectes nuisibles dans
le sol et les germes morbides qui pénétrant jusqu'aux os. C'est lui la
source de la santé; lui, qui fait pousser les produits du sol; c'est lui
qui fait grandir nos petits, récolte du coin du feu. Chaque jour, elle
mettait ses petits au soleil, sur le pas de la porte, sur une couverture,
pour qu'ils se réchauffent au soleil, se dégagent de l'étreinte de
l'hiver. Un
jour, Hérisson rencontra Chacal: -
Au fait, lui demanda-t-il, comment vont tes enfants? Ils doivent être
devenus des lions? -
Quelle orge, rétorqua l'autre as-tu fait griller? Que l'oeil t'a visité,
pour que tu me poses des questions sur mes enfants Chacal
ne se laisse prendre qu'une fois: -
mes enfants vont bien, dit-il; ils remplissent bien leur peau. Est-ce que
les petits ne ressemblent pas aux parents? Le roseau tire de sa souche. -
En es-tu resté aux histoires de jadis? Demanda Hérisson: l'hiver nous a
épargnés et il a emporté, plaise à Dieu, tous les mauvais germes ainsi
que la rivalité qui nous séparait. A partir d'aujourd'hui, nous sommes
amis. Un de ces soirs, nous ferons un bon souper pour sceller notre
fraternité. Chacal,
quand il s'agit de son ventre, oublie tout le reste. La gloutonnerie gâte
le caractère. Ils discutèrent de la date de ce souper et le fixèrent à
un jour de pleine lune, quand celle-ci est ronde comme une galette. Arriva
le jour où ils devaient partager le pain et le sel. La lune brillait de
tout son éclat. Hérisson avait préparé à Chacal le funeste repas où
il allait mettre le comble à son hypocrisie. il lui avait égorgé des
agneaux bien tendres. Il avait empli des pots entiers de petit-lait. Il s'était
procuré des raisins à prix élevé: il avait payé réaux et des réaux
pour cela; mais, comme on dit: Le
moulin des At Arbi est inondé On
y dispute son tour Mais
on en est pour ses frais. Hérisson
avait préparé son piège: il prévint sa femme: -
Le moment est venu. Chacal ne va pas tarder à arriver. Je vais m'adosser
à ce talus, là-bas quand tu m'entendras lui souhaiter la bienvenue, fais
sortir nos petits, tout nus, devant la porte de la maison: il les verra en
passant. -
Jamais de la vie, dit-elle: ils prendraient froid. -
Ne te fais pas de soucis. Quand nous aurons fini de causer, nous entrerons
par une porte; fais-les rentrer par l'autre. Chacal
arriva au talus. Hérisson lui souhaita la bienvenue avec des cris de
joie. Alors, Lady Hérisson fit sortir ses petits tout nus devant la
porte. Chacal, sentant les fumets de bonne viande, pressa le pas. Hérisson
riait dans sa couverture d'épines. Ils
arrivèrent devant la porte et y entrèrent les petits Hérisson tremblant
et gémissant au froid. Chacal, stupéfait, dit à Hérisson: -
Tu es fou de laisser les petits exposés à ce froid! Cela ne te fait pas
pitié de les voir ainsi trembler en gémissant? -
Puis-tu disparaître sans héritiers! C'est la joie qui les fait ainsi
crier. Mes petits passent la nuit dehors: la lune les y trouve à son
lever t les y voit encore à son coucher. J'ai horreur du soleil: il
noircit le teint. La lune, elle, est la meilleur des médications. Quand
on ne sait quel remède recourir, on en trouve un dans le clair de lune.
Souvent, quand je rôde la nuit, je renverse les produits magiques et les
pots d'eau que les femmes exposent au claire de lune pour soigner leurs bébés.
Souvent, passant sur une aire, je n'ai pas pu m'empêcher de rire en
voyant vieilles filles et demoiselles à marier se lavant a clair de lune
pour se trouver un mari. Tout
ce que disait Hérisson, chacal en prenait bonne note: moi aussi,
pensait-il, je ferai de même pour mes fils. Je leur ferai passer la nuit
au clair de lune pour qu'ils se fortifient. Leur
entretient terminé, Hérisson et Chacal entrèrent par ne porte; Madame Hérisson
et ses petits, par une autre. Chacal attaqua la cuisine chaude: il y mit
toute sa gloutonnerie. Comme on dit: Couscous fin, viande tendre:
Seigneur, rends nos mains agiles: les crêpes sont succulents. Tant
que dura la nuit, ses dents ne s'arrêtèrent pas de broyer. A
l'aurore, il continuait d'absorber d la mangeaille. Son ventre était
tendu comme une peau de tambour et aussi gonflé qu'une outre. Il avait léché
tous les plats, les laissant absolument
vides. Il
se sentait bien, mais l'heure était venue pour lui de rejoindre sa tendre
épouse; Il se leva pesamment et dit au revoir à Hérisson. -
Que Dieu, lui dit-il, te dédommage pour toutes les dépenses que tu as
faites pour m'honorer. Un jour, je t'inviterai à venir souper chez moi.
Reste en paix. Il
partit. Tout en marchand, il se félicitait de sa bonne aubaine. Il se
disait: Tant pis pour lui: je l'ai berné: les lions se sont ruinés et
les chacals en ont profité. Bien
qu'ils aient partagé le pain et le sel, ils n'avaient pas à s'entendre.
Chacal, le misérable fourbe, ne savait pas que tant il avait trouvé de
plaisirs, tant il trouveraient de peines. Il
rentra chez lui. Sa femme lui demanda: -
Alors, cela t'a plu? -
Ce n'est pas le moment, dit-il. Laisse-moi me reposer et m'allonger. Sans
même se soucier de ses enfants, il ne pensait qu'à dormir. Le crépuscule
tomba; la lune se leva: Chacal dormait. Soudain,
il se réveilla, comme s'il avait reçu une gifle, et dit à sa femme: -
Vite, j'ai une bonne idée: ôte à nos petits leurs habits et fais-les
dormir dehors au clair de lune. -
Serais-tu soûl, ou bien parles-tu en rêve? Tu voudrais déshabiller nos
petits et les laisser passer la nuit tout nus dehors, pour que le froid
les tus? -
Je ne suis pas fou du tout, dit-il, et je n'ai pas perdu la tête: Ce
que fait ton voisin, fais-le, Ou
prends la route et déménage. Si
tu m'avais accompagnés chez Hérisson, tu aurais vu comme ses petits sont
vigoureux: ils sont aussi rondelets que des oeufs au nid. C'est le clair
de lune qui les fortifie. Tous les soirs, ils dorment dehors: ils
gambadent de joie. Madame
Chacal ne dit plus rien et les mit dehors à contre coeur: elle les laissa
là tout nus. Chacal se rendormit: il n'avait pas encore complètement digéré
tout ce qu'il avait mangé. Ses
enfants se mirent à crier, gémir, geindre. La mère en avait le coeur
brisé: elle ne trouvait plus le sommeil. -
Lève-toi, dit-elle à l'autre, toi que le ciel m'a imposé comme époux:
nos petits sont en train de mourir. -
Tais-toi, répondit-il: laisse-moi tranquille: tu ne sais pas ce qui t'es
utile. Les gens, d'habitude, ont à élever des tout petits: moi, c'est
une adulte que je dois éduquer. S'ils sont tes enfants, ce sont aussi les
miens. Toute
la nuit, ils ne cessèrent de se disputer, tandis que leurs petits gémissaient. Le
lendemain matin, ils les trouvèrent aux prises avec une bonne bronchite,
secoués de quintes de toux. Chacal, en toute hâte, les fit rentrer. Elle
alluma un bon feu et les fit se réchauffer près du kanoun, leur
frictionna les têtes. Elle leur prépara une tisane au thé des champs. Chacal,
hors de lui, se mit en route, en courant joindre Dame Belette et lui
demander quels soins donner à ses enfants. Il était terrorisé et
redoutait de les perdre comme les premiers, lors de l'affaire de la gale. Arrivé
chez Belette, il lui dit en pleurant ses malheurs: -
J'ai été invité par Hérisson: j'ai vu ses petits: aussi gras que de
petits sangliers. Il leur fait passer la nuit au clair de lune. J'ai voulu
faire comme lui: hier soir, j'ai mis mes enfants dehors et leur ai fait
passer la nuit sous la lune. Ce matin, je les ai trouvés transis de
froid. Pourrais-tu me conseiller un remède pour les sauver? Je t'en récompenserai
largement, si Dieu le veut. -
Imbécile, dit-elle, Hérisson s'est encore moqué de toi et il y est
arrivé facilement. Fais donc appel à ta propre expérience: tu es
solide, bien portant; ton pelage est épais et, malgré cela, tu ne peux
rester une minute au froid sans ressentir de la fièvre. Tu as osé
laisser tes petits exposés, tout nus, à la gelée, recroquevillés au
froid. Toute la nuit, la maladie les a attaqués: le froid les a pénétrés
et maintenant ils ont une bonne congestion. Retourne chez toi; réchauffe-les;
enveloppe-leur les flancs et fais-leur des tisanes de thé champs. Ces
jours-ci, enferme-les à la maison: qu'ils ne sortent pas avant d'être
complètement hors de danger. Quand ils commenceront à aller mieux, quand
le temps sera chaud, sors-les devant la porte et qu'ils restent un bon
moment exposés au soleil. Le soleil de mars donne la santé au corps. Ils
se débarrasseront de tous les restes de maladie, retrouveront leur santé
et deviendront solides. Chacal
rentra chez lui. Il trouva sa femme vaillante à la tâche, toute occupée
de ses petits: -
Vite, lui dit-il, Belette m'a indiqué les remèdes: elle m'a dit de les
tenir au chaud at de les sortir au chaud et de les sortir au soleil. Madame
la Chacal était de si mauvaise humeur qu'elle lui répondit: -
Je n'ai pas besoin, moi, de Belette: je sais comment je dois soigner mes
enfants: quand on a des enfants, il faut s'en occuper et prendre la
responsabilité de leur entretien. C'est
toi, pauvre débris, qui t'es moqué de moi. Il y a longtemps que je
connais les bienfaits du soleil. Il est remède, il est fortifiant. Nos aïeux
ignoraient tout des remèdes d'aujourd'hui. Ils mangeaient à leur faim et
circulaient au grand soleil. Il avaient une santé de fer. Les vieux
s'autrefois valaient mieux que les jeunes de maintenant. Elle
soigna ses enfants avec toute sa sollicitude. Quand les germes morbides
eurent disparu, on les voyait, à longueur de journée, étendus devant la
porte, sur une couverture; Ils se fortifièrent, devinrent des ogres armés
pour la chasse. Ils cherchaient à apercevoir le museau de Hérisson:
celui qui fait le mauvais coup doit payer. c'est on leur demandait: A
quand ta vengeance, Djeha? Je saurai attendre cents ans, répondaient-ils.
|